Le projet Aliment’Actions


Contexte, enjeux et objectifs du projet

Dans un contexte où la durabilité du modèle agricole actuel est de plus en plus questionné pour ses impacts environnementaux et sanitaires, mais aussi économiques et sociaux, il est urgent donner à l’agriculture une nouvelle trajectoire. Une voie privilégiée par de nombreux scientifiques et acteurs de la société civile est l’agroécologie, qui vise à remettre le fonctionnement des écosystèmes et la biodiversité au cœur des pratiques agricoles et à équilibrer les enjeux environnementaux, économiques et de justice sociale.

La transition agroécologique ne pourra être généralisée et accélérée que si le système alimentaire est repensé dans son ensemble. Aujourd’hui, la plupart des systèmes alimentaires sont mondialisés : ils sont structurés autour de très grandes firmes industrielles tant pour le commerce des intrants agricoles (semences, engrais, produits phytosanitaires…) que pour celui des aliments, souvent très transformés. De tels systèmes conduisent dans bien des situations à la paupérisation des agriculteurs, à la dégradation des ressources naturelles ou encore à une alimentation de mauvaise qualité.

La relocalisation des systèmes alimentaires est une manière de résoudre beaucoup de ces problèmes en développant des modèles de production et de consommation plus respectueux de l’environnement et de la santé, en réduisant le gaspillage tout au long de la chaîne alimentaire, en valorisant les produits locaux dans des filières de proximité, et en permettant un meilleur partage de la valeur créée dans le territoire.

C’est dans cette optique, que le projet Aliment’Actions a vu le jour en 2018. Ce projet repose sur le postulat qu’une transformation du système agricole ne peut être enclenchée et être durable sans l’engagement des consommateurs. Son objectif est de faire émerger et accélérer la transition vers des systèmes alimentaires plus résilients. Plus précisément, l’idée est de catalyser la transition alimentaire et de faire émerger de nouvelles solidarités à l’échelle d’un territoire rural, pour faire levier sur la relocalisation des filières agroalimentaires et la transition agro-écologique. Ce projet de recherche-action, financé par la Région Nouvelle Aquitaine, présente plusieurs originalités : du point de vue de son territoire, du consortium de partenaires, et de sa configuration. C’est aussi un projet pensé sur le long terme (au moins 10 ans).

Le territoire :

Le projet Aliment’Actions, initié par le Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC), est mené sur un territoire rural, la plaine de Niort sud-est (79), où l’agriculture s’est largement intensifiée et spécialisée dans les grandes cultures au cours des dernières décennies. Cependant c’est aussi un territoire remarquable au plan de la biodiversité et sensible au niveau des ressources en eau. Ce territoire, la Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre, est une infrastructure de recherche à large échelle (450 km²) dont le projet, nommé Transform’Actions, a pour objectifs (i) de produire des connaissances sur le fonctionnement du socio-écosystème agricole et (ii) d’impulser une transformation des systèmes agricoles et alimentaires sur ce territoire afin d’améliorer sa résilience. Ce territoire compte 24 communes rassemblant plus de 40 villages, dont les tailles varient entre 390 et 5 740 habitants, et comprend 435 exploitations agricoles. Ce territoire est représentatif d’une agriculture spécialisée en grandes cultures et globalisée (une grande partie de la production est exportée et les intrants utilisés viennent de loin). C’est aussi un site pilote pour l’analyse des trajectoires de la biodiversité et des pratiques agricoles, l’expérimentation de nouvelles pratiques agroécologiques avec les agriculteurs et de nouveaux comportements de consommation avec les habitants.

Les partenaires du projet :

Offrant une palette large de compétences, le consortium du projet Aliment’Actions rassemble des membres d’organisations diverses :
  • Des unités de recherche : le CEBC (Centre d’Études Biologiques de Chizé) CNRS-INRAE, l’UMR SADAPT (INRAE) et le Département Sciences Economiques et Sociales (Telecom Paristech) ;
  • Le mouvement Colibris, qui inspire, relie et soutient les citoyen.nes et les collectifs pour s’engager dans un chemin de transition écologique et humaniste ;
  • La SCOP Wision spécialisée dans la sensibilisation des populations au développement durable, l’animation et l’implication de tous types de citoyen.ne.s dans leur territoire de vie ;
  • Un réseau d’acteurs travaillant au développement d’une agriculture citoyenne et écologique : le réseau InPACT (Initiative Pour une Agriculture Citoyenne et Territoriale) regroupant notamment l’AFIPaR et Terre de Liens, partenaires du projet.

D’autres partenaires sont amenés à intégrer le projet au fil de son évolution.

Un projet de type « plateforme » qui s’enrichit au fil du temps :

Le projet consiste à déployer un dispositif multi-échelles (qu’il s’agisse de fermes, de collectifs d’habitants, de communes, d’intercommunalités, de la Zone Atelier voire au-delà). Il comprend des actions diverses, telles que des diagnostics, des animations, ou des expérimentations, mais aussi l’analyse des processus d’émergence et de développement d’initiatives citoyennes et professionnelles en faveur de la transition alimentaire. Certaines actions ont été initiées, d’autres sont en projet. Nous mentionnons ici les principales actions du projet :
  1. Mieux connaître le territoire, le système alimentaire et les acteurs : Deux diagnostics, l’un de l’offre, l’autre de la demande en produits commercialisés via les circuits courts sur le territoire, ont été initiés. InPACT Nouvelle Aquitaine et le CEBC ont réalisé un diagnostic préalable de l’offre, identifiant les producteurs pratiquant les circuits courts sur la zone, leurs productions, mais aussi leurs perspectives de développement et/ou difficultés éventuelles. Un diagnostic de la demande en produits issus de circuits courts sur la Zone Atelier lancé par les équipes de recherche et la SCOP Wision est actuellement en cours. De courts entretiens sont menés auprès d’une large proportion des foyers (objectif 50%) des 24 communes. Cette enquête a pour vocation de mieux comprendre les comportements alimentaires actuels et cerner les attentes des consommateurs vis-à-vis des circuits courts ;
  2. Mettre en place des animations auprès des habitants de la Zone Atelier. Cette action est portée par la SCOP Wision. Les méthodes mises en place (cercles samoans, forums ouverts) visent avant tout à donner envie et confiance à chacun.e de s’impliquer, de coopérer et de faire évoluer ses pratiques alimentaires. Basé sur une rythmique régulière d’animations menées à l’échelle des communes, ce volet s’inscrit sur une échelle temporelle longue. Jusqu’à présent, ce volet a été déployé dans trois communes : Marigny, La Foye-Monjault et Fors ;
  3. Informer, apporter des connaissances sur les liens alimentation, agriculture et biodiversité via des projections-débats, des conférences scientifiques, des animations dans les écoles et des restitutions régulières des résultats des projets de recherches. Ces connaissances peuvent être formalisées sous formes d’outils, telle qu’une carte interactive des circuits courts sur le territoire, accessible en ligne et régulièrement mise à jour, des guides pratiques ou encore de courts films;
  4. Mieux comprendre les déterminants de la transition alimentaire via des ateliers expérimentaux, en s’intéressant à différents types de facteurs « déclencheurs » d’une mobilisation des acteurs, tels que la consolidation des liens et des interactions entre eux, l’apport de connaissances scientifiques, ou encore les expériences sensibles. Analyser les reconfigurations à l’œuvre en termes de gouvernance ;
  5. Mettre en mouvement les citoyens via la mise en théâtre de controverses : un enseignant-chercheur de Télécom ParisTech proposera à différents acteurs du territoire (coopératives, agriculteurs, consommateurs, syndicats…) de créer une pièce de théâtre, de la mettre en scène et de la représenter devant les citoyens des communes de la Zone Atelier ;
  6. Accompagner les acteurs, qu’il s'agisse des agriculteurs souhaitant développer les circuits courts via par exemple des formations menées par l’AFIPaR ou encore des citoyens lançant des initiatives locales en faveur de la transition alimentaire ;
  7. Communiquer : un soin particulier est apporté à la communication sur ce processus d’émergence d’initiatives prises sur le terrain en matière alimentaire, sur les réussites comme sur les difficultés rencontrées, ainsi que sur les études effectuées par l’équipe de recherche du projet. L’ensemble de cette recherche-action fait ainsi l’objet d’une documentation et d’un référencement par divers outils de communication (blog, réseaux sociaux, suivi vidéo, etc.).

A travers ces différentes actions, l’idée globale du projet Aliment’Actions est donc de catalyser des initiatives portées par les citoyens en vue d'augmenter la résilience de leur territoire. S’inspirant des principes de l’écologie, ce projet vise à augmenter la diversité (cultivée, écologique, socio-économique) à différentes échelles, à promouvoir les interactions et les solidarités entre acteurs humains et avec les non-humains (plantes, insectes et animaux), et à favoriser leur capacité d’action et d’innovation. L’idée est aussi que ce projet pilote permette une massification rapide des transitions alimentaire et agro-écologique.